Marc-Antoine Thévenot: "Les plumes grisées ouvrent l'horizon de l'Ehpad"
Ils sont cinq, jeunes directeurs et directrices d’établissements d’hébergement pour personnes âgées[1], à avoir engagé depuis quelques semaines une initiative originale : un concours national d’écriture ouvert à tous les résidents d’EHPAD, à leurs proches, ainsi qu’aux professionnels qui les accompagnent. Avec pour thème de cette première édition des « Plumes grisées », un sujet évocateur en ces temps de pandémie : l’Espoir.
Cette aventure, c’est d’abord le résultat d’une rencontre sur les bancs d’une école, celle des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP), comme le raconte Marc-Antoine Thévenot, l’un des initiateurs du concours et Président des « Plumes grisées ». « Nous sommes tous de la même promotion (2017) et nous partagions déjà une appétence commune pour la littérature. Après nos premières prises de postes, dans des établissements hospitaliers ou gériatriques, nous avons maintenu des liens réguliers, pour partager nos pratiques et nos difficultés ». Lui-même occupe depuis 2018 un poste de direction dans un important groupement gériatrique du Nord de la France, après avoir fait ses armes à la tête de deux hôpitaux de proximité dans le Cantal. C’est donc en première ligne qu’il fait face aux vagues successives de la crise de la Covid, tout comme sa jeune collègue Marie-Cécile Darmois, Directrice du Centre Hospitalier de Crépy-en-Valois, commune devenue tristement célèbre en tant que premier cluster français.
« L’image des EHPAD n’était déjà pas bonne avant la crise et la gestion du Covid ne l’a pas améliorée » reconnaît Marc-Antoine Thévénot. « Nous avons eu besoin de sortir de cette ambiance négative, de recréer du lien entre les résidents et leurs familles, entre les familles et les professionnels, autour d’un projet collectif ». Le « club des cinq » a déjà constaté que la littérature est très peu présente dans les établissements hospitaliers et les EHPAD, alors que d’autres champs culturels se développent. L’art thérapie, la musicothérapie ont fait leur entrée, mais l’écriture et la lecture restent le parent pauvre, car victime d’une image encore élitiste. « Il est plus facile d’installer les personnes âgées devant l’écran de télévision que d’animer des ateliers lecture », regrette le jeune directeur, qui décide pourtant avec ses quatre collègues d’en mettre en place d’en leurs établissements respectifs, avec la ferme intention de voir la démarche reprise par d’autres. « Dans les établissements que je dirige, nous avons développé des projets inter-établissements, une bibliothèque itinérante. Les ateliers d’écritures sont animés par des bibliothécaires, nous invitons des écrivains régionaux, les résidents se retrouvent. Notre priorité n’est pas thérapeutique, mais bien culturelle et les participants sont enthousiastes, résidents comme équipes d’animation ».
Pour donner de la visibilité à leur engagement et motiver les troupes, le petit groupe a alors l’idée d’un concours national d’écriture. Lancé depuis le 1er juin dernier, ce dernier fait déjà des émules : une centaine d’établissements, en France et en Belgique francophone, a déposé un bulletin d’inscription, des Services infirmiers et des Services d’aide à domicile ont manifesté leur intérêt et une vingtaine de texte sont parvenus aux « Plumes grisées ». « A l’origine, l’inscription était individuelle, mais nous avons constaté qu’il y avait de nombreuses démarches de créations collectives, portées par des groupes de résidents, parfois avec leurs proches. C’est l’occasion de faire du lien autour des souvenirs, de créer des dynamiques… », se réjouit Marc-Antoine Thévenot. « Même des médecins coordinateurs s’y sont mis, bien que le personnel des établissements soit pour l’instant la catégorie la moins représentée des participants. Mais ils sont déjà tellement sollicités…». Et pour encourager un peu plus la création, toutes les formes d’expression sont acceptées, qu’elles soient narratives, poétiques… Seules contraintes : respecter le thème, ne pas excéder cinq pages et adresser son écrit avant la date limite, fixée pour l’instant au 5 septembre. Un jury, composé d’écrivains amateurs et d’universitaires, désignera les trois meilleurs textes. Leurs auteurs seront mis à l’honneur lors du salon Santé Expo au mois de novembre prochain.
« Nous n’attendons plus qu’une maison d’édition qui accepte de publier les textes et qu’un parrain ou une marraine prestigieux qui apporte sa notoriété aux Plume grisées », espère Marc-Antoine Thévenot.
[1] Marie-Cécile Darmois, Directrice du CH de Crépy-en-Valois (60), Franck Deliez, Directeur de l’EHPAD de Blangy-sur-Bresles (76), Marc-Antoine Thévenot, Directeur du CHI de Wasquehal (59), Fanny Roinsard, Directrice de l’EHPAD de Derval (44), Christophe RUSSIER, Directeur adjoint du CH Beaujeu-Belleville (69)