Les Petits frères des pauvres à Nantes : des appartements regroupés, alternative à l’EHPAD

Type d'action

• Bénévolat
• Habitat / logement
• Lutte contre l’isolement
• Personnes âgées
• Personnes handicapées
• Pratiques professionnelles
• Soutien à domicile

Département

Sur le vif

« Avant, on habitait dans une maison HLM à Carquefou, mais on se sentait très isolé, on était rejeté par nos voisins. Ici, on a notre propre appartement et on est très entouré, un peu comme une famille », Bernard et Babeth, un couple de locataires.

« Mon travail est beaucoup plus valorisant qu’avant, lorsque j’étais en établissement. Ici, on prend en compte l’humain, ce n’est pas la course. On a le temps d’écouter, de s’intéresser à chacun », une des auxiliaires de vie de l’équipe permanente.

Porteur(s) de l'action

Les Petits Frères des Pauvres

Objectif(s) et bref descriptif

Afin de permettre à des personnes en grande précarité ou handicapées vieillissantes de trouver un environnement stable, adapté à leur perte progressive d’autonomie et de rompre leur isolement, les Petits Frères des Pauvres de Nantes ont créé "une petite unité de vie", Les demeures du Parc. Accompagnés au quotidien par des salariés et des bénévoles de l’association, ainsi que par des professionnels de l’aide à domicile ou du soin si leur état le nécessite, ils sont chacun locataires d’appartements, regroupés au sein d’un même immeuble de logements sociaux et partagent des temps d’activités communes dans un appartement dédié à cette vie collective.

L’essentiel

Date de création : 1992.

Population concernée : Personnes âgées en grande précarité ou personnes handicapées vieillissantes de plus de 50 ans, seules ou en couple.
Caractéristiques : disposer de ressources ouvrant droit au logement social.

Zone d’implantation : Quartier du Vieux Doulon, à l’est de Nantes, en proximité des services, commerces, transports en communs (centre-ville accessible par tramway en 20mn).

Configuration de l’habitat : 11 logements de type 2 et un appartement de type 5 transformé en espace collectif  situés au rez-de-chaussée et au premier étage d’un même immeuble, dans une résidence de logements sociaux.

Partenaires : ADAR 44 (Association départementale d’aide à domicile en activités regroupées), AAFP (Association d’aide familiale populaire), CDC Habitat, ex SAMO (Groupe Caisse des Dépôts), SADAPA (Association accompagnement soins en santé), Union départementale des Associations familiales de Loire Atlantique (UDAF 44).

Spécificités : Des appartements indépendants mais une présence au quotidien de salariés et bénévoles des Petits Frères des Pauvres, pour animer une vie sociale et partagée d’habitants âgés et précarisés.

Cette action a été identifiée dans le cadre d' un appel à contribution diffusé en mars 2019, en partenariat avec la CNSA.

Origine(s)

La Fraternité des Petits Frères des Pauvres de Nantes a été créée en 1958, pour accompagner des personnes de plus de 50 ans, fragilisées par l’isolement, la précarité ou la perte d’autonomie. Une quinzaine d’équipes de bénévoles interviennent sur l’ensemble de l’agglomération, aux côtés des partenaires médico-sociaux, dans le cadre de visites individuelles à domicile ou en hébergement, de dispositifs d’écoute et de veille, d’animations collectives. La fraternité de Nantes gère également un foyer d’hébergement transitoire pour homme (Beau-Rivage), une maison de vacances (Le Prieuré Saint-Pierre) et une petite unité de vie, les Demeures du Parc.

Cette dernière a été créée dans les années 1990. A l’époque, les responsables nantais de l’association font le constat que les personnes âgées en situation de précarité qui ne peuvent plus rester seules à leur domicile n’ont d’autres solutions que l’unité de soin longue durée de l’hôpital psychiatrique Saint-Jacques. Ils souhaitent développer une alternative, en s’inspirant du projet porté par La fraternité de Paris depuis 1980 : une petite unité de vie, implantée rue de la Joncquières, dans le 17^ème arrondissement, permettant à des personnes âgées d’accéder à un logement autonome et une vie collective (déjeuner, goûter, animations…), afin d’éviter de se retrouver en situation d’isolement.

La Fraternité de Nantes se voit alors proposer par un bailleur social local, la SAMO (SA HLM des Marches de l’Ouest, intégrée depuis à CDC Habitat), la mise à disposition d’appartements, dans un ensemble d’une soixantaine de logements sociaux conventionnés, récemment construit, dans un quartier vivant de l’Est de Nantes, le quartier du Vieux Doulon, à proximité des commerces et moyens de transport (20 minutes en tramway du centre-ville). Une convention est alors signée entre le Bailleur et les Petits Frères des Pauvres pour 12 logements. Parallèlement, les premiers habitants sont sélectionnés par la Fraternité de Nantes, parmi les personnes déjà régulièrement suivies par les Petits Frères des Pauvres. Dans un premier temps, une responsable de maison est recrutée, puis au fur et à mesure de la dépendance grandissante des habitants, l’équipe s’étoffe jusqu’à compter en 2019 quatre salariées supplémentaires (aides-soignantes et auxiliaire de vie) qui assurent une continuité de présence auprès des locataires. Les premiers habitants emménagent en 1992.

Description détaillée

Les Demeures du Parc sont installées dans un des bâtiments d’un parc de logements à loyers modérés, composé de quatre immeubles entourés d’espaces verts, géré par CDC Habitat. Cette petite unité de vie se compose de onze appartements indépendants d’environ 50 m² (T2), répartis au rez-de-chaussée et au premier étage de l’immeuble, et d’un appartement de type 5, aménagé en espace de vie collective, avec une grande pièce à vivre, une cuisine, une buanderie, une grande terrasse, ainsi que le bureau des salariés. Les 12 habitants, dont un couple, sont tous locataires de leur logement et ont signé un bail avec CDC Habitat, qui assure la gestion locative (l’entrée dans le logement, le quittancement, l’entretien…). Chacun a aménagé son logement selon ses envies et avec ses propres meubles. Les Petits Frères des Pauvres sont quant à eux locataires du T5 qui a été équipé sur fonds propre.

Crédit : Les Petits frères des pauvres.

Accompagner les plus fragiles des âgées

A l’origine les Demeures du Parc étaient destinées à des personnes de plus de 60 ans. Aujourd’hui, la petite unité de vie a ouvert ses portes à des personnes âgées d’au moins 50 ans, qui n’ont plus de domiciles stables et à des personnes qui n’ont pas été préalablement accompagnées par les Petits Frères des Pauvres. Les demandes, le plus souvent portées par les services sociaux ou par les services de protection des majeurs, sont déposées auprès des Petits Frères des Pauvres, avec l’accord de la personne qui est invitée à venir visiter un appartement, à partager un repas et des activités avec les autres habitants. Une fois la demande validée par les Petits Frères des Pauvres, le dossier est transmis à CDC Habitat pour un passage en commission d’attribution. Aucune demande n’a jusqu’à ce jour été rejetée. Peu d’appartements sont cependant disponibles, car les départs ne dépassent pas en moyenne un par an, suite à un décès ou à une entrée en établissement, lorsque l’accompagnement à domicile devient impossible. Si les locataires actuels ont des profils très différents, tous ont des ressources très faibles et leur parcours est souvent marqué par des ruptures familiales et des accidents de la vie (maladie, handicap…) qui les ont menés à des situations d’exclusion ou de grand isolement. L’un a connu l’errance, un autre est atteint d’un handicap moteur lourd, un couple de personnes déficientes intellectuelles a été rejetée par son entourage. A l’exception de deux d’entre eux, ils sont d’ailleurs tous accompagnés par l’Union départementale des associations familiales (UDAF 44), dans le cadre de mesure de protection. Par ailleurs, tous bénéficient d’une allocation personnalisée d’autonomie ou d’une prestation de compensation du handicap, selon leur situation.

Recréer une famille

A ces habitants fragilisés par l’âge et par leur parcours de vie, Les Demeures du Parc permettent de se poser et de « retrouver une famille », comme l’expriment plusieurs d’entre eux. Ils sont rassurés par la présence quotidienne, sept jours sur sept, de l’équipe de professionnel des Petits Frères des Pauvres : une coordinatrice et six auxiliaires de vie (quatre permanentes et deux remplaçantes) salariées de l’association. Les permanentes travaillent en binôme, et sont chacune présente de 8h00 à 18h00 pour l’une et de 15h00 à 22h00 pour l’autre, sur un rythme de 3 jours une semaine et 4 jours la suivante, ainsi qu’un week-end sur deux. Sur la période de nuit, chaque locataire est équipé d’un système de télésurveillance, assuré par un service municipal qui intervient sur demande. L’équipe permanente assure la vie quotidienne collective au sein de la maison, l’entretien des espaces communs et la préparation des repas partagés. En effet, chaque matin, un petit déjeuner est proposé dans la pièce commune, auquel les locataires doivent participer au moins une fois par semaine. Le déjeuner du midi est lui obligatoire et offre l’occasion d’un temps de partage entre habitants, professionnels et bénévoles. Les personnes âgées sont encouragées à contribuer à sa préparation, ne serait-ce qu’à la composition des menus ou au dressage de la table.

Les professionnelles permanentes contribuent également à animer la vie collective et à favoriser le lien social des habitants, avec le concours d’une équipe d’une dizaine de bénévoles de la fraternité de Nantes. L’après-midi, l’appartement collectif accueille les locataires pour des activités (jeux, jardinage, pâtisserie, sorties collectives…) proposées par les habitants eux-mêmes et par l’équipe d’accompagnement. Enfin, l’une des auxiliaires de vie a mis en place un temps de régulation entre habitants pour gérer les tensions parfois fortes et pour partager autour des règles de vie commune. Cet équilibre souvent fragile entre vie individuelle et vie collective est également au cœur des missions de la responsable de maison. Elle veille au bon fonctionnement logistique de la petite unité de vie, favorise la circulation des informations, gère les relations avec les partenaires et assure la coordination entre les différents intervenants qui accompagnent les personnes à titre individuel. En effet, La majorité des locataires est suivie dans le cadre de l’APA ou de la PCH par des services à domicile (SAAD, SSIAD, soin palliatifs…) ou par des professionnels (infirmières, kinésithérapeutes libéraux) de leur choix. Ils peuvent également s’inscrire à des animations extérieures, organisées par l’ORPAN, l’Office des retraités et personnes âgées de Nantes ou par la fraternité de Nantes.

Un équilibre fragile

En vingt ans d’existence, les Demeures du Parc ont évolué mais gardent ce mode de vie familiale qui fait leur spécificité. Habitants comme salariés semblent y trouver leur compte. Les premiers apprécient d’avoir leur propre logement tout en étant entourés et accompagnés au quotidien. Quant aux professionnelles de l’équipe permanente, si elles sont sensibles à la régularité de leur planning, elles insistent également sur le temps qu’elles peuvent consacrer à chaque personne et à la qualité de la relation établie, qui valorise d’autant leur travail. Ce fonctionnement est cependant fragilisé par plusieurs facteurs. La perte d’autonomie des locataires qui s’aggrave fait qu’ils participent moins à la vie commune et sont de moins en moins dans la prise d’initiative; les difficultés de recrutement rencontrées par les services à domicile occasionnent des ruptures d’interventions qui oblige l’équipe accompagnante à se positionner sur de l’aide individuelle, au détriment de la vie collective ; les bénévoles sont de plus en plus difficiles à renouveler ce qui a imposé de réduire les sorties collectives. Malgré cela, les Demeures du Parc envisagent de se développer : la mise en vente par le bailleur de l’ensemble des logements de la résidence pourrait permettre aux Petits Frères des Pauvres d’envisager la création d’une seconde petite unité de vie. Des services civiques vont être recrutés en 2020, pour compenser la baisse du nombre de bénévoles ; enfin, un travail a été entrepris avec les habitants et les professionnels pour réécrire le projet de vie sociale et partagée et ouvrir plus largement les activités à d’autres personnes âgées isolées, vivant en proximité.

Bilan

Points positifs :

• Une solution de logement intermédiaire adaptée à des personnes âgées très fragilisées par leur parcours de vie et la faiblesse de leur ressource
• La petite taille de l’unité de vie qui permet un accompagnement personnalisé à la fois individualisé et collectif
• L’implication des bénévoles qui favorisent la reconnaissance des personnes âgées et leur lien avec la cité
• La continuité de présence sur une large plage en journée qui sécurise les habitants et favorise le vivre-ensemble.

Points d’attention :

• La fragilité du modèle économique qui repose largement sur les fonds propres des Petits Frères des Pauvres
• La difficulté à maintenir un équilibre entre des personnes âgées encore autonomes et celles qui le sont moins, avec un risque de désinvestissement des habitants en matière de vie sociale et partagée et une évolution de la mission d’animation vers de la stimulation
• Les difficultés de recrutement et de gestion des services à domicile qui se répercutent sur le fonctionnement de la petite unité de vie
• Des activités extérieures impactées par la diminution de l’engagement bénévole et les contraintes de mobilité.

Partenaire(s)

ADAR 44 (Association départementale d’aide à domicile en activités regroupées), ANAF (Association Nantaise d’Aide Familiale), CDC Habitat, ex SAMO (Groupe Caisse des Dépôts), SADAPA (Association accompagnement soins en santé), Union départementale des Associations familiales de Loire Atlantique (UDAF 44).

Moyens

L’investissement :

• Les Petits Frères des Pauvres ont financé sur fonds propres l’aménagement du logement collectif

Le fonctionnement :

• Chaque habitant de la petite unité de vie paye :
  • Un loyer intégrant les charges (eau chaude et chauffage collectif), compris entre 470 et 525 euros (hors APL), selon que le locataire dispose ou non d’un garage. A cela s’ajoute les autres charges inhérentes au logement (assurance, téléphone…)
  • Une participation, sous forme de redevance, à l’animation de la vie collective par l’équipe de permanence, équivalente à 20% des ressources déclarées par chaque personne, soit entre 30,50 euros et 160 euros par mois. Ce mode de calcul de la redevance est actuellement en cours de révision, avec une attention au reste à vivre de chacun.
  • Une facture équivalent au nombre de repas consommé, sur la base de 6 euros par jour.
     
• Les Petits Frères des Pauvres prennent en charge :
  • La différence entre la redevance perçue auprès des habitants (environ 15 000 euros par an) et le coût réel de fonctionnement de l’unité de vie, soit 320 000 euros, comprenant notamment le loyer d’un peu plus de 900 euros par mois et les salaires de la coordinatrice et des auxiliaires de vie de l’équipe permanente.
  • Les éventuelles vacances locatives supérieures à deux mois des 11 appartements.
  • Une aide individuelle attribuée à quatre des habitants dont le reste à vivre est quasi inexistant une fois l’ensemble des aides de droits communs sollicitées (Fond d’aide à la personne des Petits Frères des Pauvres)